Successions
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L’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net : entre pièges et opportunités pour les créanciers

Publié le :
3/11/2025

Les droits et obligations de la personne décédée se transmettent de plein droit à ses héritiers. Toutefois, les successibles bénéficient d'une option qui leur permet de décider du sort de la succession.

L'héritier a le choix entre trois voies :

  • L'acceptation pure et simple, 
  • L'acceptation à concurrence de l'actif net (ACAN) 
  • a renonciation.

L'acceptation à concurrence de l'actif net est l’option la plus prudente lorsque la solvabilité de la succession est incertaine.

L’héritier, non seulement n’est tenu du passif qu’à hauteur de l’actif successoral, mais ne l’est que sur ce seul actif, et non sur ses biens personnels sauf exception.

Le droit de poursuite des créanciers et des légataires est limité aux biens successoraux.

Une telle acceptation doit faire l’objet d’une déclaration inscrite sur un registre tenu au greffe et fait l’objet d’une double publicité visant à informer les créanciers successoraux, ainsi que les autres successeurs.

C’est la date de la publicité de la déclaration qui fixe le départ « d’un sprint enfermé dans un marathon ». 

Un marathon, car les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession (qui figure dans la déclaration d'acceptation) dans un délai de quinze mois et celui qui omet de déclarer sa créance ne peut en réclamer le paiement ni aux héritiers, ni aux garants du défunt, ni même à ses codébiteurs solidaires. 

Un sprint, car le passif ne faisant pas l’objet d’une procédure de vérification et le disponible après paiement des créanciers privilégiés ne faisant pas l’objet d’une répartition au marc le franc, la date de déclaration des créances chirographaires déterminant leur ordre de paiement, leur permet de prendre rang.

Encore faut-il que le créancier coureur respecte les modalités et le contenu de la déclaration de créance.  L'épreuve se transforme alors en véritable course de haies :

  • La signification, établissant sa créance à l’égard du défunt, au notaire chargé de la succession avant la publication officielle de l’acceptation à concurrence de l’actif ne peut valoir déclaration de créance. (Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 mars 2016, 15-10.799, Publié au bulletin) ;
  • Un créancier, titulaire d'un titre exécutoire constitué par un jugement assorti de l'exécution provisoire, est tenu de déclarer sa créance dans le délai de 15 mois (Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 mars 2017, 15-25.545, Publié au bulletin) ;
  • Une notification de créance adressée à un autre domicile que le domicile élu n'est pas valable (Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 janvier 2019, 18-11.916, Publié au bulletin) ;
  • Même en l’absence de titre, les créances à parfaire doivent être déclarées. (Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 janvier 2019, 18-11.916, Publié au bulletin) ;
  • L’information transmise à l’héritier par voie d’assignation en paiement n’est pas une déclaration au domicile élu (Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 janvier 2019, 18-11.916, Publié au bulletin) ;
  • Il n’y a pas de dérogation pour les créances en contribution détenues par un héritier à l’encontre de ses cohéritiers pour leurs parts respectives. (Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 décembre 2024, 22-17.867, Publié au bulletin) ;
  • Il n’y a pas de dérogation pour les créances assorties de sûretés pour les biens de la succession non grevés (Cons. const. 5-10-2016 n° 2016-574 QPC).

La première chambre civile veille ainsi à une application rigoureuse des articles 788 et 792 du Code civil.

Les déclarations de créances permettent de « déterminer de manière précise l'actif et le passif de la succession » (Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 janvier 2019, 18-11.916, Publié au bulletin) et aux créanciers chirographaires de prendre rang (Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 mars 2016, 15-10.799, Publié au bulletin). 

Telle est la téléologie de cette course

C’est pourquoi la Cour de Cassation a jugé que la déclaration de créance effectuée dans le délai légal de quinze mois à compter de la date de la publication nationale, au domicile élu de la succession, est suffisant pour déterminer une dette du passif et la date de prise de rang. Ainsi, l’absence de notification du titre du créancier concomitamment à la déclaration ne constitue pas une formalité substantielle.

Cour de cassation, 1re chambre civile, 22 octobre 2025, n° 23-18.010